A bord de Dongfeng : et si le père Noël n’existait pas ?

Stu Bannatyne en père Noël, ça donne ça. Photo by Martin Keruzore/Volvo Ocean Race. 24 December, 2017.

C’était la première étape de montagne de cette 13e Volvo Ocean Race et Mapfre s’est imposé, dimanche 24 décembre, sur un dernier coup de rein dans la pente de cet Alpe d’Huez qu’était ce Le Cap –Melbourne – 3e étape. Une deuxième fois de suite, Dongfeng a vu les Espagnols leur faire le coup de « je suis derrière toi, je suis devant toi » et terminer avec moins de 100 milles d’avance à l’arrivée. Une goutte d’eau après avoir traversé l’océan Indien pendant plus de 14 jours par les latitudes sud. Ils auront tout essayé même le mode « furtif » qui les autorise à disparaître pendant 24h des écrans radar pour tenter de revenir. En vain. Ils ont même failli se faire rattraper par le peloton. Il s’en est fallu de peu pour que Team Brunel et Vestas 11th Hour Racing ne leur gâchent pour de bon leur réveillon.

Si on ne croit pas au père Noël, peut-on croire au père fouettard ? Oui et non répond Charles Caudrelier. Le skipper du bateau battant pavillon chinois est partagé entre le sort qui ne les a pas épargné – avec une quille cassée quelques jours avant l’arrivée – et la satisfaction d’avoir tenu tête aux favoris espagnols. En attendant que le barbu en velours rouge leur apporte sur son traineau suédois de quoi réparer, Charles s’est confié à SLPLM entre deux bouchées d’un hamburger rédempteur.


Melbourne en vue. Photo by Ainhoa Sanchez/Volvo Ocean Race. 24 December, 2017.

« C’est un peu les boules de voir Mapfre nous passer devant ! Ça fait deux fois qu’on est devant 80% de la course et qu’ils nous doublent. On fait une petite bêtise mais on la paie encore très cher. Cette fois-ci, comme l’autre fois, on est devant mais on tombe dans la molle et ça revient par derrière. Ils nous mettent la pression et ils nous passent. C’est un peu dur à digérer mais on fait quand même une place de deuxième. Ce n’est pas un drame même si ça a bien failli virer au drame hier quand on a cassé la quille et que les autres derrière [Team Brunel et Vestas 11th Hour Racing] qui avaient fait une route complètement différente à cause de la météo, se sont retrouvés sur une trajectoire beaucoup plus rapide que la notre et ont failli nous passer. C’est un cas classique où il y a un tel décalage qu’on ne se retrouve pas dans le même système météo et on se retrouve à ne pas tirer les mêmes bords.

Tout le monde est très content d’être arrivés après cette très longue étape. Evidemment on va avoir un peu de déception par rapport à Mapfre même s’ils méritent cette victoire. La course est encore très longue. En 2012, quand je gagne la Volvo Ocean Race avec Groupama, on avait mal démarré et Telefonicà avait gagné les trois premières étapes. Tout le monde les voyait gagner mais ça tourne tellement vite une Volvo. Et cette histoire de quille nous rappelle que tout peut s’arrêter en deux secondes, comme nous avec le mât la dernière fois.

Leg 3, Cape Town to Melbourne, day 12, on board Dongfeng. Fabien Delahaye trimming the front sail before the squall. Photo by Martin Keruzore/Volvo Ocean Race. 21 December, 2017.

Même si je n’aime pas dire ça, le sort s’est quand même un peu acharné sur nous. Depuis le début, on n’a pas eu beaucoup de réussite. Mais la réussite, ça se provoque donc je reste confiant. Maintenant on sait que Mapfre est le favori. Ils sont de redoutables guerriers. Aujourd’hui on reste 80% du temps devant eux sur chaque étape. A nous de faire 100 %. Si à la fin, on venait à gagner la Volvo, ma fierté serait d’abord d’avoir réussi à battre cette équipe qui est une équipe de rêve avec à bord des champions olympiques, des vainqueurs de la Coupe de l’America et Juan Villa, l’un des plus grands navigateurs au monde. Ils n’ont jamais été dans de si bonnes conditions pour gagner après plusieurs tentatives. On n’a pas à rougir d’être derrière une équipe comme celle-ci.

Le mode « furtif », dernière carte à jouer 

On a pris la décision de se mettre en mode « furtif » parce qu’en étant un peu loin derrière Mapfre, la situation était un peu délicate pour nous. On a essayé de les déstabiliser même si on savait que ça allait être difficile. L’idée était de ne pas montrer où on allait placer notre empannage, de faire une chose un peu différente qu’eux. On a gybé plus tôt même si on voyait bien que c’était plus avantageux pour eux d’être vers l’est et plus au nord.

Pendant 24h, ils pouvaient faire une erreur ou pousser un peu trop dans des conditions assez musclées et casser, ça aurait pu tourner à notre avantage. C’était la dernière chose qui nous restait à faire même si au fond, cette règle-là, je n’y suis pas forcément très favorable. Mais elle existe, donc on l’utilise. Elle n’a pas porté ses fruits jusqu’à présent quand on est derrière. En revanche, elle n’est pas mal quand on est devant et qu’on ne veut pas montrer où on place notre empannage à ceux qui sont derrière.

Leg 3, Cape Town to Melbourne, day 13, on board Dongfeng. Champagner sailing today for the crew. Photo by Martin Keruzore/Volvo Ocean Race. 22 December, 2017.

Pour la quille, la règle est un peu conne ! On a le droit de s’arrêter mais on n’a pas le droit de se faire aider par une autre équipe. Normalement, on n’a pas le droit de changer de pièce ni d’en embarquer. Donc on se retrouve avec une quille cassée où on y est pour rien. Le « boatyard » de Volvo [le chantier] va assumer mais on se retrouve dans une situation bizarre où normalement on n’aurait pas le droit de se faire réparer. On ne sait pas trop comment ils vont gérer ça.

L’organisation nous demande de faire du spectacle, de pousser sur les bateaux à 120 % dans les mers du Sud. On n’est pas sur le Vendée Globe où on est sur un tour du monde en solitaire où il faut essayer de ménager le bateau. Ils ne nous laisseront pas repartir avec la quille comme ça pour des questions de sécurité mais s’ils nous aident à réparer, je ne vois pas pourquoi, ils n’aideraient pas à réparer une manivelle de winch ? L’objectif était sain : ne pas faire venir les équipes techniques pour que les escales ne coûtent pas cher mais ce n’est pas réaliste par rapport à la manière dont ils veulent qu’on mène la course. »

Distribution de pâtisserie bienvenue à Melbourne – Dongfeng takes the second place


Comme en 2014-2015, Charles Caudrelier est le skipper du bateau Dongfeng. Il a remporté la Volvo Ocean Race en 2011-2012 sur Groupama aux côtés de Franck Cammas. A son palmarès, il compte également une Solitaire du Figaro (2004) et la Transat Jacques-Vabre (2013) sur Gitana avec Sébastien Josse.


C’est arrivé (très) loin de chez vous

Le moment de frayeur sur Turn the Tide on Plastic 

Turn the Tide on Plastic crash gybe in the Southern Ocean

🚨 WARNING: THIS VIDEO WILL MAKE YOU SEASICK 🚨Here's what happened when Turn the Tide on Plastic dramatically crash gybed and recovered in the Southern Ocean overnight

Publié par Volvo Ocean Race sur dimanche 24 décembre 2017

 

Le moment où Mapfre est passé leader 

WOW!

✔️ Everyone on deck! 👆✔️ 1 ton of stackable weight to move 💪✔️ 20 minutes to complete 🎯…and then REPEAT! Desafío MAPFRE gybed 16 TIMES to take the lead on Wednesday night – and here's a look behind the scenes of just one!

Publié par Volvo Ocean Race sur jeudi 21 décembre 2017

 

Le moment où il faut gyber pour la 51e fois sur Dongfeng

Publié par Volvo Ocean Race sur jeudi 21 décembre 2017

 

Le moment magique sur Team AkzoNobel

SPOT THE WHALES! 🐳🐳🐳

WOW! 😱 SPOT THE WHALES! 🐳🐳🐳Team AkzoNobel receives a visit from a pod of curious whales in the Southern Ocean!

Publié par Volvo Ocean Race sur jeudi 21 décembre 2017


Pendant toute la durée de cette 13e Volvo Ocean Race, SLPLM va tenir un carnet de bord de l’équipage de Dongfeng, pour ce qui sera la plus longue et excitante série de l’histoire de ce blog. 

Les autres billets du carnet « A bord de Dongfeng » :

– Episode 9 : Qui aura le scalp de l’Indien ?

– Episode 8 : Le Grand Sud et un virement à ne pas manquer

– Episode 7 : Nom de code « OBR »

– Episode 6 : Une 2e place au goût d’inachevé au Cap

– Episode 5 : Le calme après et avant la tempête

– Episode 4 : Lisbonne-Le Cap, la première « vraie » étape

– Episode 3 : Une belle et inattendue 3e place à Lisbonne

– Episode 2 : Un « cadeau » de 200 milles et un peu de fatigue

– Episode 1 : Jour-J pour un tour du monde


Les étapes de la 13e Volvo Ocean Race : 

Etape 1 : Alicante – Lisbonne > Vainqueur : Vestas 11th Hour Racing
Etape 2 : Lisbonne – Le Cap > Vainqueur : Mapfre
Etape 3 : Le Cap – Melbourne > Vainqueur Mapfre
Etape 4 : Melbourne – Hong Kong > Départ le 10 janvier
Etape 5 : Hong Kong – Guangzhou – Hong Kong
Etape 6 : Hong Kong – Auckland
Etape 7 : Auckland – Itajai
Etape 8 : Itajai – Newport
Etape 9 : Newport – Cardiff
Etape 10 : Cardiff – Göteborg
Etape 11 : Göteborg – La Haye


Le classement avant la 3e étape : http://www.volvooceanrace.com/fr/scoreboard.html

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À propos de voileactu

Avant de devenir « slasher » (consultant/ freelance/ manager), Emmanuel Versace a couvert un certain nombre de régates et de courses au large en tant que chef de service adjoint des sports au Monde. L’intention de « Sous les pavés, la mer » est de vous faire découvrir le monde de la voile sportive sous un autre jour.

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