
Que c’est beau, une chanteuse qui prend son envol comme Julie Fuchs vient de le faire sur la scène de l’Opéra-Comique, mardi 19 décembre, où elle incarne, inspire, survolte et survole le rôle de la comtesse Adèle dans le pétulant Comte Ory, de Rossini. On savait la soprano française, jeune femme de 33 ans au physique gourmand et à la voix généreuse, au cœur de la talentueuse pléiade d’artistes qui assure depuis quelques années la relève d’un chant français renouant avec ses riches heures.
Mais là, c’est autre chose. Plus que l’admiration, le plaisir ou même la reconnaissance, ce qui a provoqué la puissante ovation du public dès la fin d’un époustouflant premier air (En proie à la douleur), de l’affliction la plus extravagante à une jubilation plus extravagante encore, est l’enthousiasme, au sens étymologique du terme (inspiré par le divin). Et dire qu’il y a moins de deux semaines, cette « Foxy Lady » explosive et virtuose, mêlant avec naturel hubris et émotion, paraissait en col roulé noir aux funérailles de Johnny à la Madeleine dans un émouvant Ave Maria de Schubert qu’accompagnaient le pianiste Yvan Cassar et le violoncelliste Gautier Capuçon…
Une intelligence canailleUn bonheur étant contagieux, c’est toute la production de ce Comte Ory qu’il faut saluer. A commencer par le travail scénique de Denis Podalydès. Il y a deux façons de traiter Rossini. Tenter d’endiguer le flot musical (le pire étant de le vouloir expliciter) ou bien se mettre dans le sens du courant. C’est l’option choisie avec justesse et raison par le metteur en scène, qui accompagne avec une intelligence canaille le sémillant vaudeville. Les hommes sont aux croisades, leurs femmes livrées aux manœuvres libertines d’un comte travesti en saint homme, puis en sœur Colette mandant asile au château.
Quelques prie-dieu, un confessionnal, une chaire de guingois suffisent à évoquer le débarras de sacristie où officie le faux ermite....