
C’est une sorte de conte de Noël. Dans l’Italie de la Renaissance, quelques jours avant les fêtes – peut-être un 21 décembre ? –, une femme souffrant de son mari, un barbon jaloux, lui annonce devoir se confesser. Elle devine que ce dernier, méfiant, va prendre la place du curé. Elle avoue recevoir ce soir son amant, qui doit entrer par une porte dérobée. Pendant que le mari est occupé à faire le guet au pied de la maison, l’épouse reçoit son bien-aimé, passé par la fenêtre. Il n’y a pas de morale : c’est bien ce qui fait le succès de ce récit et des 99 autres qui l’accompagnent dans le Décaméron de l’humaniste italien Boccace, mort le 21 décembre 1375.
Ce livre qui invente la littérature réaliste européenne donne aussi, d’une manière nouvelle, la parole à des femmes, puisqu’il compte sept narratrices pour trois narrateurs. L’humour, la liberté de ton et la satire sociale ne sont pas étrangers à cette irruption. Et au XVIe siècle, ce n’est pas un hasard si une femme bien réelle cette fois, Marguerite de Navarre, s’en inspire pour un autre recueil de nouvelles, l’Heptaméron. Figure majeure de l’histoire littéraire, elle est aussi la sœur du roi François Ier, la protectrice du poète Clément Marot et la diplomate qui négocie avec Charles Quint après la capture de son frère à la bataille de Pavie, en 1525. Proche des courants évangéliques, elle n’en pratique pas moins la satire, avec un goût prononcé pour les affaires de mœurs impliquant le clergé.
Marguerite a su utiliser la liberté d’action que lui conférait sa position, avant de mourir en 1549, elle aussi un 21 décembre, en un temps où la grammaire française pratiquait l’accord de proximité. Mais pour que son œuvre, ou du moins ses pages les plus sages, pussent être enseignés à des femmes dans les lycées publics de France, il fallut attendre un autre 21 décembre. En 1880, ce fut le jour où l’Assemblée vota la loi proposée par Camille Sée, député républicain...