Un exploitant de camping condamné pour clauses abusives

DR Sosconso

Le 26 novembre 2015, la SAS Saint-Jean d’Azur, qui gère le camping Saint-Jean à Six-Fours-les-Plages (Var), consent un bail pour un emplacement de mobil-home à Maria Fernanda C., en contrepartie d’une redevance de quelque 6 000 euros par an. Le fils de Maria Fernanda, Frédéric  S., qui l’occupe, crée une association de défense des locataires.
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Le 27 octobre 2016, la Sas notifie à Maria Fernanda le non-renouvellement de son contrat, censé prendre fin au 31 décembre.

Le 8 décembre 2016, Maria Fernanda C. assigne la Sas en référé, afin d’obtenir le renouvellement de son contrat de location, mais le président du tribunal d’instance de Toulon (Var) considère que les demandes des parties « se heurtent à des contestations sérieuses », et dit qu’il n’y a pas lieu à référé, le 16 mars 2017.

Le 8 février 2017, Maria Fernanda, son fils, qui s’est maintenu dans les lieux, ainsi que la Fédération nationale des propriétaires de résidences de loisirs, assignent la Sas au fond. Ils demandent au tribunal, principalement, d’ordonner le renouvellement du contrat et de constater le caractère abusif de certaines clauses. La SAS demande l’autorisation d’expulser Frédéric S. qui s’est maintenu dans les lieux « sans droit ni titre ».

Le tribunal, qui statue le 27 novembre, juge recevable l’action de la Fédération nationale des propriétaires de résidences de loisirs, qui a été agréée par décision du préfet de Loire-Atlantique pour exercer l’action civile dans le cadre des dispositions de l’article L 421 du code de la consommation.
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Motif légitime

Les locataires du mobil-home font valoir que le refus de renouvellement du contrat n’est pas justifié par un « motif légitime », contrairement aux prescriptions de l’article L 122-1 du code de la consommation (« il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime»). La SAS invoque la « force obligatoire des contrats » prévue par l’article 1103 du code civil et la conformité du contrat aux dispositions des articles 1709 et suivants du code civil.

Le tribunal constate qu’« en l’espèce, la décision de non-renouvellement du bail est fondée sur une attestation, rédigée le 29 janvier, par Mme Patricia P., propriétaire d’un mobil-home dans le même camping ». Elle indique que Maria Fernanda C. et Frédéric S. «  importunent les locataires, pour leur faire signer une pétition contre la direction », et qu’ils l’ont agressée parce qu’elle refusait de signer. Maria Fernanda C. conteste ces faits, et indique avoir déposé plainte auprès du procureur de la République de Toulon, en précisant qu’elle ne connaît pas Mme Patricia P.

Le tribunal juge que « l’attestation produite ne peut à elle seule fonder un motif légitime de non-renouvellement du contrat » : « Les prétendus reproches, contestés, n’étaient pas établis au jour du refus de la prestation de service.» Il constate que, de ce fait, le contrat de location s’est renouvelé. Il rejette la demande d’expulsion de Maria Fernanda C. et Frédéric S., « qui ne sont pas occupants sans droit ni titre ».
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Clause de vétusté

Les locataires et la Fédération nationale des propriétaires de résidences de loisirs demandent au juge de reconnaître comme abusive une clause du contrat de location qui indique que « les mobil-homes qui présenteront un caractère vétuste ou dégradé devront être enlevés ou remplacés ».

La Commission des clauses abusives a énoncé le 27 janvier 2005 (No 05-01) que « si l’exploitant peut imposer au propriétaire de la résidence mobile une obligation d’entretien, l’état de cette installation ne peut être laissé à sa libre appréciation, sans énonciation préalable de critères permettant de caractériser l’entretien ou la vétusté de l’installation ». La clause, « qui réserve au professionnel la faculté d’apprécier unilatéralement l’état de la résidence mobile, présente un caractère abusif ».

Or, en l’espèce, la clause de la Sas Saint-Jean d’Azur « ne comporte aucune référence à un élément précis ou objectif ». Elle doit donc être « réputée non écrite ».
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Clause de désignation

Cette clause indique que le locataire peut être affecté à un autre emplacement que prévu « si cela s’avère favorable à l’organisation ou à la gestion du camping ».

Aux termes de l’article R 132-1 du code de la consommation, les clauses ayant pour objet ou pour effet de réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristique ou au prix à livrer ou du service à rendre sont de manière irréfragable présumées abusives.

En l’espèce, constate le tribunal, « la clause autorise le bailleur à modifier unilatéralement une caractéristique du contrat de location ». En conséquence, « elle doit être considérée comme abusive» et « réputée non écrite ». La Sas Saint-Jean d’Azur doit les supprimer de ses contrats.

L’avocate des locataires, Me Julie O’Rorke, estime qu’il s’agit d’un « beau succès», même si sur d’autres points (clauses d’incessibilité ou de mise à disposition, notamment), elle n’a pas obtenu gain de cause. Elle indique avoir obtenu le même jour cinq jugements similaires. Elle envisage de faire appel sur un point – le remboursement de sommes qui correspondraient à des « trop perçus » d’eau et d’électricité.
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