
Enquête. Marcos da Rosa vient de semer son soja et, déjà, la tristesse le gagne. « C’est mauvais. Très mauvais », soupire-t-il. A 52 ans, dont près de quarante à travailler aux champs, ce fermier de l’Etat du Mato Grosso, une région agricole du Brésil grande comme la France, l’Autriche, la Suisse et la Grèce réunies, est un habitué des terres tropicales et de ses parasites.
En cette matinée cuisante de la mi-novembre, les doigts dans la terre, il montre la « trapueraba », cette herbe qui pollue ses pousses, puis se résigne : il noiera son chagrin dans l’herbicide. « Je vais remettre du glyphosate », prévient-il, provocateur. La peau rougie par le soleil, le pantalon maculé d’une terre couleur de braise, cet immense gaillard n’ignore rien de l’image controversée du désherbant. Mais il assume. « Pensez-vous que si c’était toxique j’en mettrais ? Je serais le premier à en souffrir. Pour me suicider, j’ai plus vite fait d’aller me pendre à l’un de ces arbres ! Ici ce n’est pas comme en Europe. Sans défenseur [pesticide] on ne peut rien faire. »
A Canarana, petite ville aux faux airs de Far West située à une douzaine d’heures de route de Cuiaba, la capitale du Mato Grosso, on ne vit que par et pour le soja. Des champs à perte de vue, une culture intensive – et, bien souvent, transgénique – devenue l’un des piliers de l’économie nationale…
Une force incontournableCe monde à rebours des préoccupations environnementales connaît désormais sa traduction politique à Brasilia, la capitale du pays. Marcos da Rosa, un fazendeiro (« propriétaire terrien ») à la tête de 2 000 hectares – une « petite » propriété pour le coin –, y incarne le premier B des « BBB » : un ensemble de lobbys influents au Congrès, à savoir le boi (« bœuf », autrement dit les propriétaires terriens défenseurs de l’agronégoce), la Biblia (« Bible », les évangéliques) et la bala (« balle »,...