
Le 6 décembre, sur Twitter, après voir appris le décès de l’interprète de « Noir c’est noir », Alys tente de résumer avec quelques hashtags et émoticônes l’émotion qui l’étreint : « #RIP #JohnnyHallyday nous tire sa dernière révérence… après avoir allumé le feu durant toute son extraordinaire carrière, les dernières braises se sont éteintes cette nuit. Adieu l’artiste. » A chaque fois qu’un personnage plus ou moins célèbre disparaît, le même rituel se répète immanquablement : sur les réseaux sociaux, tels des milliers de chrysanthèmes numériques, les #RIP fleurissent de manière aussi spontanée qu’endémique. Cette mention signifiant requiescat in pace (« repose en paix », pour ceux qui n’ont pas fait latin première langue) est devenue le nouvel étendard d’une communion nationale qui – à l’exception notable des événements sportifs – ne trouve à s’exprimer qu’autour des dépouilles.
« Les morts ont un avantage : du fait de leur silence, on peut plus facilement négocier avec eux. Ces moments permettent aux gens de se rassembler autour d’une émotion commune, mais leurs effets sociaux et leur exhibition sont assez brefs dans le temps. C’est différent du chagrin durable que l’on peut éprouver lorsque l’on perd un proche », note la philosophe Vinciane Despret, auteure de l’ouvrage Au bonheur des morts. Récits de ceux qui restent (La Découverte, 2015).
Des fans passagèrement inconsolablesDe nos jours, les larmes semblent effectivement sécher aussi vite qu’elles apparaissent : David Bowie, George Michael, Prince, Mireille Darc, Jeanne Moreau, Jean Rochefort, chacun a eu droit à son acronyme nécrologique et à sa cohorte de fans passagèrement inconsolables. Le rapport à la mort, ce grand tabou de la société postmoderne, serait finalement bien plus vivace et complexe que ne l’ont laissé entendre certains fossoyeurs.
Alors que, selon une étude OpinionWay d’octobre 2017, deux tiers des Français pensent régulièrement...