
Ce n’était pas gagné. Vincent Macaigne reprend à Paris En manque, qu’il a créé au Théâtre Vidy-Lausanne en décembre 2016, et il change d’échelle, en passant d’une toute petite salle à la Grande Halle de La Villette. Le spectacle aurait pu en pâtir ; il devient autre, tout en restant le même, sur le fond : une fable d’aujourd’hui, très lointainement inspirée par Sarah Kane, l’auteure britannique morte à 28 ans en 1999, qui reste un repère pour toute la génération « Ground Zero », dont la conscience s’est forgée sur les ruines des Twin Towers détruites par l’attentat du 11 septembre 2001 à New York. Sarah Kane parlait d’autres ruines, celles de la guerre en ex-Yougoslavie, mais ce qui importe, c’est le théâtre de la dévastation qu’elle a introduit sur les scènes.
Vincent Macaigne est fait de tout ce qui traverse l’époque. Il a 38 ans, et il a grandi en entendant parler des morts en Iran, d’où sa mère est originaire. Comme l’écriture de Sarah Kane dans En manque, son théâtre n’est pas linéaire. Il explose, d’une manière que certains trouvent pubertaire et excessive – « gonflante » pour employer un langage de sortie de salle. En un sens, c’est vrai. D’autres voient dans les spectacles de Vincent Macaigne une resucée des expériences hystériques des années 1960-1970. C’est sûrement vrai aussi, mais le théâtre est ainsi fait qu’il se renouvelle en reprenant des formes passées, souvent sans le savoir. Ce qui importe, c’est l’ici et maintenant d’un spectacle, et ce que l’on est en droit d’aimer chez Vincent Macaigne, c’est le débordement.
De ce point de vue, En manque clôt en beauté la 46e édition du Festival d’automne. Une foule nombreuse se presse à La Villette. Beaucoup de jeunes, au regard neuf. Vincent Macaigne leur parle. Il est là, au milieu du public et des acteurs. Comme un chef de meute, qui donne le rythme et le tempo. Jamais content : il aspire à un absolu de la rencontre entre...