Pologne, le temps des haines
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Pologne, le temps des haines

Les débats s’exacerbent entre la majorité conservatrice au pouvoir, menée par son président, Jaroslaw Kaczynski, et l’opposition libérale. La violence politique est à son comble.

Le Monde | | Par

Pologne : manifestations pour défendre la démocratie, à Varsovie, le 12 juillet.

Il est un pays européen où la majorité et l’opposition traitent le camp adverse de « malades » et de « traîtres ». Un pays où le ministre de l’intérieur qualifie de « beau spectacle » une manifestation de 60 000 extrémistes de droite. Un pays où un quinquagénaire est allé jusqu’à s’immoler, le 19 octobre, pour protester contre la politique du gouvernement. Ce pays, c’est la Pologne. Ce dernier drame a choqué l’opinion. Depuis, des bougies et des fleurs rendent hommage à ce père de famille là où il s’est infligé la mort, au pied du palais de la culture de Varsovie.

« Ce pauvre homme a repris dans la lettre qu’il a laissée nombre d’arguments que j’avais exposés peu auparavant à la télévision. Il faut vraiment calmer le débat, explique Jadwiga Staniszkis, une grande dame de la sociologie ­polonaise qui a longtemps soutenu le parti au pouvoir, le PiS (Droit et justice), avant de prendre ses distances. Le problème est que la radicalisation est un moyen, pour le pouvoir, de sélectionner les élites de demain. Ils sont convaincus que la violence peut améliorer la société et finir par l’unifier en créant un homme nouveau. Ils se trompent, c’est toujours l’inverse qui arrive. »

Dans son bureau de rédacteur en chef du quotidien Gazeta Wyborcza, le principal quotidien d’opposition fondé en avril 1989 par le syndicat Solidarnosc, Jaroslaw Kurski est encore plus pessimiste. « Piotr s’est immolé parce qu’il se sentait impuissant. Ça pue ici. Autant que dans les années 1920-1930. L’idéologie au ­pouvoir est devenue nationaliste voire “proto-fasciste” », décrit ce quinquagénaire à la voix douce. Sous ses fenêtres, le 13 décembre 2015, un prêtre entouré de nombreux fanatiques était venu exorciser le bâtiment « contre le mensonge, l’idéologie multiculturelle et l’importation de terroristes musulmans ». « Dans ce pays, le libéralisme, tant économique que politique,c’est devenu le...